Ingénieur en construction navale

La France inaugure le Suffren

A Cherbourg, vendredi 12 juillet, une grande cérémonie a inauguré le nouveau navire nucléaire d’attaque de la marine, premier d’une série de six.

sous marin nucléaire

A deux jours du 14-Juillet, ce fut déjà la fête, avec plus de 700 invités, de fiers marins alignés sous le soleil, avec les couleurs nationales. Les habitants de Cherbourg ont convergé vers la Cité de la mer, dans l’ancienne salle des départs des transatlantiques où des écrans géants avaient été installés. Sur les chantiers du constructeur Naval Group, le président de la République a lancé vendredi 12 juillet, avec la ministre des armées Florence Parly, en grande pompe, le sous-marin nucléaire d’attaque Suffren, premier d’une nouvelle génération qui naviguera jusqu’aux années 2060. Au dehors, la coque noire du navire tout juste sorti du hangar s’offre aux regards admiratifs, enrobée d’une immense cocarde tricolore. La classe Suffren comptera six navires, pour un coût de 9 milliards d’euros.

Premier d’une nouvelle génération

Emmanuel Macron a passé plus d’une heure dans le bord exigu du navire, la tête coiffée d’un casque de chantier blanc – les bateaux militaires sont pleins d’arêtes métalliques et un président, François Hollande en 2015, s’est déjà ouvert le crâne sur l’un d’eux. « Il ne voulait plus sortir », a noté, satisfait, un officiel. Le chef de l’Etat a visité le poste central des opérations, où les écrans ont remplacé le périscope, les chambres des marins, la soute des tout nouveaux missiles de croisière qui armeront le Suffren. Devant les équipements de haute technologie que lui présentaient militaires et industriels, il s’est interrogé sur les capacités de la Chine et de la Russie.

Il a pris le temps de s’asseoir à la table du carré des officiers, entre l’ancien maire socialiste de Cherbourg Bernard Cazeneuve et le patron de la marine Christophe Prazuck. Il a pu taquiner son chef d’état-major particulier, Bernard Rogel, sous-marinier aux 27 000 heures de plongée qu’il vient de pousser à rester un an de plus à l’Elysée, au-delà de la limite d’âge : – « Là, vous êtes chez vous ! »« Maison ! », a ri l’amiral.

17e sous-marin de l’ère de la propulsion nucléaire

La France a construit son premier sous-marin en 1899. Depuis les ingénieurs français en ont produit 107. Le Suffren est le 17e de l’ère de la propulsion nucléaire. Le cœur nucléaire est fait de « 400 tonnes de métal dans une grosse rondelle de 10 mètres de long et de 9 mètres de diamètre avec un cœur de matière fissile », a précisé le PDG de TechnicAtome, Loïc Rocard, qui a foi dans la continuité de ces savoir-faire.

Les mots ont été pesés, pour servir l’image d’une puissance souveraine et d’un pays aussi solide que la coque noire du Suffren. Dans son discours – ramassé, de vingt minutes –, le président s’est fait le héraut d’une « France, pays du temps long ». Emmanuel Macron s’est plu à rappeler qu’il s’est mis, ce vendredi, dans les pas de Charles de Gaulle, venu à Cherbourg en 1967 pour inaugurer Le Redoutable, premier porteur de la bombe. Jacques Chirac a lancé le programme du Suffren en 1998. Et la dernière cérémonie de sortie d’un sous-marin sur le chantier normand remonte à Nicolas Sarkozy, en 2008, pour Le Terrible.

Une vitrine technologique

La démonstration était aussi destinée aux partenaires de la France, clients de ses armes. Linda Reynolds, la ministre australienne de la défense, est venue pour l’occasion. Son pays vient d’acquérir 12 sous-marins français à propulsion classique. « La France sera aux côtés de l’Australie. Ce contrat a scellé une alliance essentielle entre nos deux nations », a ajouté Emmanuel Macron. Paris espère que les Pays-Bas achèteront bientôt ses navires, comme l’ont déjà fait l’Inde, la Malaisie et le Brésil.

Un évènement comme celui-là arrive une fois tous les quarante ans. « Ce qui naît aujourd’hui ? Un chasseur. Pas un bateau qui va se cacher. Un bateau taillé pour le combat. » Outre ses missions de protection, de dissuasion et de renseignement, le Suffren sera « un tireur d’élite capable de toucher à l’intérieur des terres des cibles qui sont à des centaines de kilomètres et un opérateur de forces spéciales beaucoup plus important que les sous-marins actuels ».

Le chef d’état-major de la marine nationale a un autre public à convaincre, les jeunes, encouragés à rejoindre la sous-marinade. « L’officier qui commandera un Suffren en 2060 n’est pas encore né, ses parents ne se sont pas encore rencontrés, [mais] dans quarante ans, je veux encore être le meilleur dans tous les scénarios [de menaces] ». En ce domaine « il n’y a pas de médaille d’argent, il faut gagner ! », a-t-il lancé.

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